Du point A au point B(ien plus loin) : une livraison de colis optimisée
Pour la plupart d’entre nous, se rendre du point A au point B est chose simple. Or, pour les professionnels de la logistique, dont la mission consiste à trouver des moyens d’acheminer à bon port des marchandises, la tâche est beaucoup plus complexe. Dans le présent article, nous nous efforcerons de débrouiller cette complexité.
Il y a plusieurs années, j’ai eu l’occasion de travailler pour une entreprise de courrier locale qui livre des colis dans la région du Grand Toronto. Un travail des plus agréables, quoiqu’extrêmement exigeant. Selon ce que j’étais en train de faire, le son strident d’un message texte entrant sur mon téléphone portable (alphanumérique et monochrome) ou ma radio bidirectionnelle était soit le bienvenu, soit exaspérant. Retentissait ensuite la voix impatiente de mon répartiteur, qui aboyait : « Arif! Où es-tu!? »
Il tentait de déterminer si j’étais au bon endroit pour livrer une commande urgente ou s’il était préférable de s’adresser à un autre conducteur de véhicule de service de messagerie, mieux situé.
Ce que j’ignorais à l’époque, c’est que mon répartiteur devait tenir compte de nombreuses autres variables pour prendre sa décision : la charge de travail, la prochaine destination, la capacité du véhicule, les contraintes de temps, le nombre de commandes déjà reçues, la somme d’argent que le conducteur avait récoltée ce jour-là et si ce dernier était très occupé ou non. Et ce, en gérant une flotte de près d’une vingtaine de conducteurs, jeunes et vieux, au volant de différents types de véhicules, également d’âges différents.
Mon répartiteur était un homme d’une quarantaine d’années (même s’il en paraissait 20 de plus). Il travaillait dans une cage de verre avec deux écrans d’ordinateur, un téléphone, un mur de casiers, des fiches couvertes de gribouillis qui migraient d’un casier à l’autre, une console radio pour communiquer avec les conducteurs et une chaise laissée à l’abandon. Il était parfait dans son rôle, orchestrant une symphonie de conducteurs et de véhicules partout dans la ville pour s’assurer que les clients reçoivent leurs colis à l’endroit et au moment où ils l’attendaient.
De nos jours, peu de gens sont en mesure d’endosser un tel rôle en utilisant les outils dont mon répartiteur disposait à l’époque. D’autant plus qu’aujourd’hui, il est très facile de suivre quelques points en mouvement sur une carte, ainsi que d’obtenir des itinéraires détaillés et des mises à jour sur la circulation en temps réel. Les outils de navigation offerts aux consommateurs sont omniprésents et conviviaux. Cependant, la plupart des répartiteurs savent que ces outils ne peuvent tout simplement pas répondre aux besoins d’un professionnel.
Le rapport annuel de Transports Canada 2016 indiquait que le secteur des transports et de l’entreposage représentait 4,5 % du produit intérieur brut total en 2016. Ce secteur avait d’ailleurs crû de 3 % au cours de l’année précédente, soit plus du double du taux de croissance de toutes les industries. Poussés par la prolifération des achats en ligne au cours de la dernière décennie et les attentes toujours croissantes des clients qui souhaitent recevoir leurs commandes le jour même (si ce n’est dans l’heure), les répartiteurs professionnels doivent adopter un certain niveau d’automatisation ou, comme certains se plaisent à l’appeler, d’intelligence artificielle, afin d’accélérer leur travail.
Souvent, j’aime imaginer ce que serait la situation idéale pour un répartiteur. Levé bien avant l’aube, il jetterait un œil au carnet de commandes de la veille, ainsi qu’aux nouvelles commandes, le tout préchargé dans un itinéraire programmé pour chacun de ses conducteurs. Ces derniers recevraient leur propre itinéraire personnalisé, lequel débuterait au point de départ et à l’heure de leur choix. Les collectes et les livraisons seraient adaptés au type et à la capacité du véhicule de chaque conducteur, et se limiteraient au territoire préféré de ce dernier. L’horaire serait déterminé en fonction de la densité prévue de la circulation sur chaque voie à emprunter dans la journée. Les commandes seraient réparties uniformément entre les conducteurs disponibles et positionneraient stratégiquement ces derniers dans la ville afin qu’ils puissent facilement prendre en charge les commandes à venir. Plus important encore pour une entreprise de courrier comme celle où j’ai travaillé, chaque conducteur aurait suffisamment de commandes à livrer pour le tenir occupé pendant quelques heures, mais il aurait également le temps d’accepter des commandes urgentes pendant la journée.
Des itinéraires optimisés, qui présentent chaque conducteur par couleur, ainsi que le numéro de séquence et l’heure d’arrivée prévue de chaque commande.
À leur réception, les commandes urgentes seraient automatiquement géocodées (en fonction de l’adresse postale, selon un système de coordonnées latitude-longitude) et s’afficheraient sous forme de point sur une carte. Le répartiteur pourrait ensuite sélectionner un conducteur sur la carte et connaître immédiatement l’incidence sur l’heure d’arrivée prévue, la distance du trajet et les retards de livraison des commandes existantes si ce conducteur acceptait la commande urgente. Le répartiteur serait en mesure de cliquer sur plusieurs conducteurs pour évaluer rapidement les options possibles. En outre, il aurait facilement accès à des renseignements supplémentaires. Par exemple, à l’aide de couches de données superposées, le répartiteur pourrait choisir un conducteur plutôt qu’un autre en fonction des intempéries, des fermetures de routes ou de l’état de la chaussée, tous facteurs susceptibles d’entraîner des retards de livraison. Avec tous ces renseignements en main, le répartiteur pourrait prendre une décision intelligente et affecter la nouvelle commande en quelques secondes seulement.
L’itinéraire du conducteur désigné serait mis à jour et envoyé directement sur son appareil mobile afin qu’il soit informé de la nouvelle commande et puisse choisir le meilleur itinéraire à emprunter pour la livrer à temps. Les conducteurs pourraient choisir de recevoir les commandes par message texte, sous forme d’emplacement sur une carte ou sous forme de lien à ouvrir dans leur application de navigation préférée sur leur téléphone. Le choix leur appartiendrait.
Après avoir livré une commande, le conducteur pourrait la désigner comme terminée sur son appareil mobile. Il pourrait aussi choisir de mettre à jour automatiquement l’état de ses commandes à l’aide de la fonction de géo-repérage. Puisque l’appareil mobile de chaque conducteur serait doté d’un GPS, le répartiteur serait avisé en temps réel des activités de chaque conducteur et de sa progression par rapport à son plan de collecte et de livraison. Les heures d’arrivée prévues seraient mises à jour automatiquement, et les clients pourraient recevoir des avis en temps réel les informant de l’heure de livraison de leur commande.
La direction verrait également cette information dans des tableaux de bord accessibles à partir de n’importe quel appareil mobile. Elle serait donc en mesure de suivre les activités de la journée, d’évaluer des mesures de rendement clés, de prévoir les problèmes, ainsi que de prendre des mesures d’atténuation avant que ces problèmes ne surviennent.
Un tableau de bord présente les différentes activités et les mesures de rendement clés, en plus de permettre à la direction de prendre des mesures d’atténuation avant que les difficultés se présentent.
Après chaque quart de travail, l’appareil mobile de chaque conducteur générerait automatiquement un journal détaillé indiquant les heures et les lieux de ses activités. Les données réelles pourraient être comparées au plan, et les anomalies, mises en évidence à l’aide d’outils de veille stratégique. Il serait ensuite possible d’étudier les données et de trouver des façons d’améliorer les activités.
Je me suis toujours demandé pourquoi mon répartiteur travaillait seul dans sa cage de verre. J’ai appris plus tard que c’était pour protéger ses collègues d’un flot incessant de récriminations. Même si je n’ai jamais eu l’occasion de remplir ses fonctions, je ne peux qu’admirer les incroyables exploits qu’il réussissait à accomplir chaque jour. Le travail de répartiteur est extrêmement exigeant, et j’ai le plus grand respect pour toutes les personnes qui exercent ce métier. Peut-être que si mon répartiteur de l’époque avait eu accès à toutes les technologies disponibles maintenant, il n’aurait pas eu à s’isoler dans sa cage de verre...
J’aimerais beaucoup connaître vos réflexions et vos commentaires sur la façon d’améliorer le travail de répartiteur à l’aide de la vaste gamme de technologies géospatiales dont nous disposons aujourd’hui. Poursuivons la conversation ci-dessous.
Ce billet a été écrit en anglais par Arif K. Rafiq et peut être consulté ici.