L’urbanisme en temps de pandémie, une discussion avec Adam Lubinsky de WXY Studio
En plus d’apporter son lot de défis, la pandémie de COVID-19 a accéléré de nombreuses tendances existantes dans les villes à travers le monde, tendances dont les urbanistes devront tenir compte dans leur travail.
Pour mieux comprendre comment ils peuvent résoudre les problèmes complexes et interreliés portant sur la mobilité, l’espace public et les inégalités sous-jacentes mis en évidence par cette crise, nous avons discuté avec Adam Lubinsky, directeur général de WXY Studio. Il s’agit d’un cabinet multidisciplinaire primé de New York spécialisé dans les solutions d’urbanisme et d’architecture. Adam est également professeur agrégé en architecture, en planification et en préservation à l’Université de Columbia et détient un doctorat en urbanisme de la University College de Londres.
Adam a remarqué que la COVID-19 a accentué les inégalités sous-jacentes qui étaient déjà une réalité dans de nombreuses villes bien avant la pandémie. Par exemple, il note qu’à New York certaines communautés vulnérables ont été particulièrement touchées par la situation. Il n’est pas seulement question de problèmes de santé : ces communautés composent souvent une grande majorité des travailleurs essentiels et dépendent des transports publics, ce qui entraîne une exposition potentiellement accrue à la COVID-19. En effet, la pandémie crée des difficultés supplémentaires pour de nombreuses personnes. Pensons à la garde d’enfants et à l’école à distance. C’est particulièrement difficile pour les gens qui doivent se rendre physiquement au travail et qui habitent dans un petit appartement.
« Il est clair que les urbanistes doivent avoir une vue d’ensemble avec une multitude de niveaux », explique Adam. « Bon nombre de personnes ont longtemps cru que les villes intelligentes allaient tout arranger et que nous pourrions surmonter toutes les inégalités. Toutefois, la pandémie de COVID-19 démontre bien que les équipements et les appareils branchés au Wi-Fi ne suffisent pas, qu’il faut aussi de l’espace dans nos maisons et la présence de nos proches pour nous aider. » La lutte contre ces inégalités sera une tâche importante pour les urbanistes qui souhaitent apporter des changements efficaces et positifs. Adam ajoute que, pour y arriver, ils devront communiquer avec le public, à la fois pour informer les gens et pour obtenir leur avis.
Cependant, avec les mesures de distanciation sociale en vigueur et le risque d’une deuxième vague après la levée des mesures, les interactions en personne ne sont plus aussi simples qu’avant la pandémie. La technologie est peut-être la clé. En collaboration avec un partenaire, WXY Studio développe des outils interactifs qui facilitent les communications avec les communautés afin qu’elles puissent participer à la mise en place de solutions aux problèmes qui les concernent. En plus de ces nouveaux outils, le cabinet réfléchit également à la manière d’intégrer les indicateurs d’équité à ses projets pilotes. Il travaille notamment avec une école afin d’examiner comment il serait possible de la rouvrir en toute sécurité.
La réouverture des écoles et des autres installations importantes entraîne des défis qui sont associés à des aspects plus vastes de l’urbanisme, comme l’utilisation des rues et la mobilité. Comme le note Adam, « vous ne pouvez pas penser à la salle de classe tant que vous n’avez pas réfléchi à la façon de gérer des milliers d’enfants qui quittent leur demeure et qui empruntent le trottoir pour aller à l’école ». Il ajoute que, à New York par exemple, aucun effort concerté n’a été déployé pour inciter les enfants à se rendre à l’école en vélo, qui permet pourtant de respecter davantage les règles de distanciation sociale que l’utilisation du métro et d’éviter l’empreinte carbone générée par les voitures (en supposant que les élèves aient accès à une voiture). Ainsi, les solutions étudiées par WXY Studio comprennent des modes de transport alternatifs, comme le vélo, et des initiatives de logistique, telles que l’échelonnement des horaires scolaires, pour réduire les contacts personnels inutiles entre les élèves. Bien entendu, les questions de mobilité et d’utilisation de la rue ne concernent pas uniquement les élèves.
« De nombreux aspects de la mobilité seront essentiels », souligne Adam. « Il faudra repenser la façon dont nous utilisons l’espace urbain. » Par exemple, il est possible d’exploiter la veille géographique pour déterminer les possibilités de réserver davantage d’espace aux piétons et aux cyclistes tout en apportant des améliorations et des modifications aux transports collectifs. Une désinfection régulière permettrait d’accroître la sécurité dans les autobus et les métros. Les réseaux de transport en commun peuvent également employer d’autres modes d’embarquement, comme ne permettre aux passagers de monter à bord que par les portes arrière, et recourir au paiement sans contact. Adam suggère en outre que les technologies de messagerie et d’orientation pourraient aider les gens à planifier des itinéraires plus sûrs pour éviter les endroits bondés et tenir compte de facteurs comme la capacité des transports collectifs. Il convient de noter que les utilisateurs d’Esri peuvent tirer parti des solutions d’Esri pour exécuter des fonctions telles que l’orientation et la cartographie intérieure en vue de faciliter la planification des procédures de réouverture des installations et de retour du personnel sur les lieux de travail.
« Nous pouvons aussi penser les rues autrement, disons, comme un espace extérieur dont on peut profiter et qui s’apparente aux commerces sur certains points », explique Adam. En effet, de concert avec un quartier d’amélioration commerciale, WXY envisage des moyens d’aménager les réglementations relatives aux bâtiments et aux trottoirs pour y intégrer des solutions dont ont nettement besoin les entreprises et le grand public. Par ailleurs, avant la pandémie, les secteurs comme le commerce de détail se trouvaient déjà dans une position difficile en raison de tendances telles que le commerce électronique. Les urbanistes sont en mesure de déterminer comment libérer l’espace dans les rues et sur les trottoirs pour faciliter le commerce tout en assurant la sécurité des gens. Par exemple, manger à l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur permet généralement de mieux respecter la distanciation sociale. Ainsi, l’espace libéré dans les rues et sur les trottoirs pour les repas en plein air contribuerait à la sécurité du grand public tout en favorisant l’activité économique dont ont besoin de nombreux restaurants. En matière d’espaces publics, la question de la densité et de ses répercussions sur la propagation de la COVID-19 se pose.
L’appel à la distanciation sociale pourrait laisser croire que la COVID-19 se transmet plus rapidement dans les endroits bondés. Après tout, il est plus difficile de se tenir à deux mètres dans un bain de foule d’une rue de la ville que dans une voiture en banlieue. Cependant, comme le fait remarquer Adam, la corrélation entre la densité et le taux de transmission n’est pas aussi claire. « Il est évident que la densité est un défi, mais nous voyons des exemples de villes très denses où des mesures ont été prises plus tôt que dans les villes américaines et qui se portent comparativement fort bien : Séoul, Taipei, Singapour et Hong Kong, entre autres. À mon avis, une approche efficace ne devrait pas s’attaquer à la densité, mais reconnaître que certains aspects de la décentralisation peuvent être amorcés (ou maintenus) », affirme Adam.
Même avant la pandémie, de nombreuses villes nord-américaines ressentaient déjà les effets de cette décentralisation, qui se sont depuis aggravés. « Je pense que le travail à distance fera partie de ces aspects, et que la tendance de ce que j’appellerais les modèles de communautés fracturées se poursuivra », soutient Adam. En plus du télétravail, les gens ont tendance à « inverser les trajets », c’est-à-dire à s’établir dans les grandes villes pour aller travailler dans les petites localités. Selon Adam, certaines de ces tendances vont se poursuivre et potentiellement s’accélérer. Néanmoins, il croit que les urbanistes doivent veiller à maintenir de bonnes pratiques d’urbanisme. Grâce au développement à usage mixte, prendre la voiture pour se rendre au commerce n’est plus nécessaire. S’assurer que les services sociaux, tels que les écoles et les hôpitaux, sont facilement accessibles en transport urbain permet de réduire les émissions de dioxyde de carbone ainsi que de fournir des services essentiels à ceux qui dépendent des transports publics.
Jusqu’à présent, nous avons présenté les divers défis auxquels les villes ont été confrontées avant et pendant la pandémie. Il y a fort à parier que bon nombre d’entre eux seront toujours bien présents une fois la poussière retombée. Nous avons également exploré différentes solutions en ce sens. Mais comment les urbanistes peuvent-ils évaluer et valider de telles solutions? « L’analyse de scénarios est un volet essentiel du processus. Nous faisons beaucoup de travail de modélisation, comme pour le domaine scolaire, qui intègre à la fois des plateformes techniques et l’application d’indices d’équité dans nos scénarios », explique Adam. Cela dit, les utilisateurs d’ArcGIS Urban peuvent tirer parti de ces capacités de modélisation et d’analyse de scénarios. De plus, Adam souligne l’importance capitale des indicateurs liés à l’équité afin que les urbanistes soient en mesure de répondre aux besoins de l’ensemble des citoyens plutôt que d’une fraction de la population.
Ce billet a été écrit en anglais par Josh Triantafilou et peut être consulté ici.