ADNe et SIG au service d’une puissante surveillance évolutive de la biodiversité – Première partie
Saviez-vous que quelques gouttes d’eau de l’océan peuvent contenir des traces de centaines d’organismes différents? Et que ces traces permettent d’identifier les espèces vivant dans un écosystème à partir d’un simple échantillon d’eau? Voilà la puissance de l’ADN environnemental (ADNe), un outil utilisé pour caractériser et évaluer la biodiversité dans les écosystèmes.
Ce billet a été rédigé par Beverly McClenaghan (eDNAtec) et Mohamed Ahmed (Esri Canada). Beverly est responsable de l’écologie chez eDNAtec, où elle supervise les opérations d’échantillonnage sur le terrain ainsi que l’analyse et l’interprétation des données de l’ADN environnemental dans le cadre de projets aux quatre coins du monde.
La surveillance de la biodiversité est de plus en plus nécessaire étant donné l’importante diminution continue de la biodiversité mondiale, essentiellement attribuable aux activités humaines. Selon le rapport2022 du WWF, les populations de mammifères, d’oiseaux, de poissons, de reptiles et d’amphibiens ont chuté de 69 % en moyenne depuis 1970. Cette perte est principalement due à la destruction de l’habitat causée par l’agriculture non durable ou l’exploitation forestière. On estime à 1 million le nombre d’espèces menacées d’extinction, à moins que des mesures ne soient prises pour lutter contre les principaux facteurs de perte de biodiversité. Une telle perte perturbe radicalement le fonctionnement des écosystèmes, notamment le cycle des nutriments, la lutte contre les inondations, l’approvisionnement en nourriture et bien d’autres encore. Pour lutter contre ce phénomène, le besoin d’outils évolutifs permettant d’étudier et de surveiller l’étendue de la biodiversité dans tous les habitats est criant. Nous devons mieux comprendre les répercussions de nos activités et prendre les mesures nécessaires pour enrayer le déclin et inverser la tendance. Selon le Rapport Planète vivante 2022, depuis 1970, les populations de mammifères, d’oiseaux, de poissons, de reptiles et d’amphibiens ont chuté de 69 % en moyenne. Cette perte est principalement due à la destruction de l’habitat causée par l’agriculture non durable ou l’exploitation forestière. On estime à 1 million le nombre d’espèces menacées d’extinction, à moins que des mesures ne soient prises pour lutter contre les principaux facteurs de perte de biodiversité. Une telle perte perturbe radicalement le fonctionnement des écosystèmes, notamment le cycle des nutriments, la lutte contre les inondations, l’approvisionnement en nourriture et bien d’autres encore. Pour lutter contre ce phénomène, le besoin d’outils évolutifs permettant d’étudier et de surveiller l’étendue de la biodiversité dans tous les habitats est criant. Nous devons mieux comprendre les répercussions de nos activités et prendre les mesures nécessaires pour enrayer le déclin et inverser la tendance.
L’ADN environnemental, ou ADNe, est l’ADN laissé par les organismes dans leur environnement. Imaginez un poisson nageant dans l’océan. En se déplaçant, il rejette de microscopiques quantités d’ADN dans l’eau. En prélevant un échantillon d’eau dans une zone traversée par le poisson, nous pouvons capturer cet ADN contenant des traces génétiques du poisson. Dans l’échantillon, on trouve également des traces génétiques de tous les autres organismes présents. Chaque fragment d’ADN est composé d’une séquence unique qui permet d’identifier l’espèce dont il provient. L’ADN environnemental ne se retrouve pas que dans l’eau, mais également dans les sédiments, le sol et même l’air!
Le personnel d’eDNAtec prélève des échantillons d’ADN environnemental dans l’océan Atlantique. Source : eDNAtec
On a de plus en plus recours à l’ADN environnemental pour la surveillance de la biodiversité dans diverses applications. En raison de sa grande sensibilité, l’ADNe permet de détecter les espèces à partir de quelques fragments seulement dans un échantillon. Ce puissant outil puissant permet l’identification d’organismes rares, tels que les espèces menacées, ou la détection précoce d’organismes nuisibles, y compris les agents pathogènes et les espèces envahissantes. Les échantillons peuvent être analysés pour détecter toutes les espèces d’un écosystème – microbes, mammifères, etc. L’ADN environnemental est par conséquent une méthode efficace et évolutive pour assurer la surveillance de la biodiversité de l’ensemble de l’écosystème. Il s’agit d’un outil idéal pour établir des inventaires de base de la biodiversité et surveiller les répercussions d’origine humaine, notamment les effets du développement des infrastructures et des activités d’extraction des ressources, ainsi que la restauration des écosystèmes et la création de zones protégées. Le fait de disposer d’informations sur tous les groupes taxonomiques et niveaux trophiques présents peut permettre aux gestionnaires de prendre des décisions éclairées basées sur des écosystèmes entiers plutôt que de se concentrer sur quelques espèces clés. En outre, l’ADN environnemental est non invasif. Autrement dit, les organismes ne sont ni capturés ni retirés de leur environnement, ce qui assure une perturbation minimale tout en fournissant des informations précieuses sur la biodiversité. Les échantillons sont faciles à collecter et ne nécessitent pas d’experts en la matière sur le terrain. Avec une formation et le matériel adéquat, n’importe qui peut collecter des échantillons d’ADN environnemental.
Chargement du séquenceur d’ADN à haut débit d’eDNAtec, le NovaSeq, avant le séquençage des échantillons d’ADN environnemental. Source : eDNAtec
Il existe plusieurs méthodes de collecte et d’analyse des échantillons d’ADN environnemental, adaptées selon les objectifs et les applications du projet. La première étape consiste à prélever des échantillons d’eau, de sol, de sédiments ou d’air, en fonction de l’environnement et des organismes étudiés. En règle générale, les échantillons sont composés de volumes relativement faibles, allant de quelques grammes de sol à quelques litres d’eau. Une fois collecté, l’ADN est isolé à partir des échantillons. Ensuite, certaines régions de l’ADN, connues sous le nom de régions du code-barres, sont ciblées aux fins d’analyse. Les régions du code-barres contiennent des séquences d’ADN uniques à chaque espèce, ce qui en permet l’identification précise.
Les régions du code-barres peuvent être analysées à l’aide de différentes méthodes. L’une des approches est l’amplification en chaîne par polymérase quantitative (qPCR), qui permet de détecter l’ADN d’une seule espèce cible au moyen d’une analyse conçue pour cette dernière. Cette méthode est idéale lorsque l’on cible une ou quelques espèces, car un signal ne sera détecté que si l’ADN de l’espèce ciblée est présent dans l’échantillon. Une autre approche est le métacodage à barres, qui s’emploie lorsque l’on vise à étudier de nombreuses espèces ou des communautés biologiques entières. Dans le métacodage à barres, les régions du code-barres de l’ADN de grands groupes taxonomiques, tels que les animaux ou les eucaryotes, sont toutes séquencées simultanément. Les séquences uniques sont ensuite utilisées pour identifier plusieurs espèces au sein de l’écosystème. Cette méthode est efficace pour caractériser la diversité des organismes dans un écosystème.
L’identification des espèces à l’aide de séquences d’ADN repose sur des séquences de référence provenant de spécimens connus. Or, les séquences de référence ne sont pas toujours disponibles pour toutes les espèces dans tous les écosystèmes. Plusieurs initiatives régionales et internationales sont en cours pour combler les lacunes dans les bases de données de séquences de référence. Ainsi, on cherche à augmenter la capacité de l’ADN environnemental à identifier les espèces, en particulier dans les écosystèmes très diversifiés et éloignés qui sont moins bien étudiés. Dans les cas où l’identification des espèces n’est pas possible en raison d’un manque de séquences de référence, des séquences d’ADN uniques peuvent être utilisées pour suivre l’évolution de la biodiversité dans le temps et dans l’espace, dans le cadre d’une approche sans taxonomie.
Espèces de vertébrés détectées dans des échantillons d’eau fluviale prélevés en Colombie-Britannique et analysés par eDNAtec. Le graphique montre la diversité des espèces détectables à partir d’échantillons d’ADN environnemental. Les échantillons ont également permis de détecter de nombreuses espèces d’invertébrés qui ne sont pas représentées ici. Source : eDNAtec
Grâce à la puissance du séquençage de l’ADN à haut débit de nouvelle génération, l’analyse des échantillons d’ADN environnemental génère un grand volume de données permettant de mieux comprendre la répartition des espèces, la santé des écosystèmes et les changements au niveau des communautés, dans le temps et dans l’espace. Il faut intégrer ces données aux données environnementales et géospatiales afin de maximiser leur incidence, d’interpréter adéquatement les résultats et de formuler des conclusions ainsi que des recommandations pertinentes.
Non seulement les outils SIG permettent de cartographier et de visualiser avec précision les données relatives à l’ADN environnemental, mais les chercheurs sont également en mesure d’étudier la manière dont la répartition des espèces et la santé des écosystèmes varient d’une zone géographique à l’autre. En intégrant les données relatives à l’ADN environnemental à d’autres ensembles de données environnementales et spatiales (par exemple, l’utilisation des terres, la couverture terrestre, le climat et la topographie), nous pouvons dégager des tendances et des corrélations qui, autrement, seraient difficiles à détecter. Cette intégration favorise une compréhension approfondie des écosystèmes, en révélant comment les espèces interagissent avec leur environnement et comment ces interactions évoluent dans le temps. Les applications de l’apprentissage automatique, de l’intelligence artificielle et d’autres outils statistiques avancés renforcent notre capacité à interpréter des données de plus en plus complexes sur la biodiversité de l’ADN environnemental, apportant ainsi un nouvel éclairage sur les changements écologiques. Le SIG nous permet également de modéliser des scénarios futurs, en prévoyant la façon dont les écosystèmes sont susceptibles de réagir au changement climatique ou à la destruction de l’habitat. Il est ainsi possible de mieux cibler les interventions qui, basées sur des données d’ADN environnemental à composante spatiale, s’avèrent plus efficaces.
Soyez des nôtres pour la deuxième partie afin de découvrir comment les outils SIG et l’ADN environnemental fonctionnent en tandem pour améliorer notre compréhension des écosystèmes aquatiques!
Ce billet a été écrit en anglais par Mohamed Ahmed et peut être consulté ici.