Pourquoi les organisations ont-elles besoin d’une stratégie géospatiale?
Voici cinq raisons pour lesquelles les organisations doivent tirer parti de la veille géographique.
« Pourquoi avons-nous besoin d’une stratégie géospatiale? », demande un directeur des systèmes d’information, l’air sceptique.
La question est bonne, mais, peu importe la fréquence à laquelle je l’entends, je me trouve toujours un peu pris au dépourvu. Parce que, si la question est vraiment « pourquoi ce machin géospatial est-il important et pourquoi mérite-t-il une stratégie? », c’est que l’importance de la géographie n’est toujours pas claire pour les dirigeants.
La question est peut-être posée sur un ton de scepticisme justement pour laisser entendre qu’une stratégie géospatiale n’est pas vraiment importante, ou à tout le moins pas autant qu’une stratégie de marketing, une stratégie de rétention des talents ou une stratégie climatique. Ces dernières portent sur des questions d’une importance capitale; elles sont donc (évidemment) nécessaires!
En tant que personne qui aide les organisations à concevoir des stratégies géospatiales, j’ai souvent répondu à cette question sans en aborder la cause profonde : Qu’est-ce qui rend une stratégie géospatiale réellement stratégique? Quel problème résout-elle? Quel avantage crée-t-elle?
« Pour soutenir une stratégie numérique, les organisations ont besoin d’une stratégie géospatiale qui garantisse que l’avalanche de données géospatiales générées puisse être exploitée. »
Dans des articles et en personne, j’ai traité des détails de l’élaboration d’une stratégie géospatiale. J’ai aussi traité des pratiques exemplaires en matière de mise en œuvre d’une stratégie géospatiale. Je me suis essentiellement concentré sur le comment de la stratégie et non sur le pourquoi.
Je me propose donc de remédier immédiatement à cette carence.
Voici cinq raisons pour lesquelles les organisations ont besoin d’une stratégie géospatiale :
- pour exploiter de nouvelles sources de valeur;
- pour renforcer une stratégie numérique;
- pour enrichir l’expérience client;
- pour établir une base de données partagée;
- pour tirer profit des données géographiques négligées par la stratégie informatique.
Exploiter de nouvelles sources de valeur
Les organisations existent pour créer de la valeur pour : les clients, grâce à des produits et services de qualité; les actionnaires, grâce à des rendements financiers solides; les employés, grâce à un travail satisfaisant; la société, grâce à un engagement social actif.
Tout est une question de valeur.
La veille géographique, le produit d’une stratégie géospatiale, permet aux organisations d’envisager la création de valeur sous un autre angle. Ils peuvent découvrir de nouvelles voies à valoriser en prenant en considération le où.
Une fois équipées d’une veille géographique, les organisations peuvent voir les problèmes commerciaux classiques d’un nouvel œil. Comment? En les percevant comme des problèmes de localisation.
Cela peut changer la donne.
Prenons par exemple le cabinet de services financiers USAA. En tant qu’assureur, USAA protège les biens des militaires et de leurs familles. En 2018, l’incendie de Woolsey, en Californie, a endommagé des milliers de maisons et de propriétés appartenant à des clients d’USAA. Le traitement d’un nombre aussi important de demandes aurait pu prendre des mois et nécessiter un travail manuel considérable pour vérifier la validité de chacune. Du moins, si USAA avait suivi la pensée conventionnelle.
L’assureur s’est plutôt tourné vers l’analyse géospatiale pour obtenir de l’aide. À l’aide de drones, il a capturé des images haute résolution des zones touchées par l’incendie. Il a ensuite utilisé l’intelligence artificielle (IA) – plus précisément l’apprentissage profond – pour parcourir l’imagerie et vérifier spatialement quelles propriétés ont été endommagées. Grâce à cette approche, le processus a pris quelques heures au lieu de plusieurs semaines. En se tournant vers le géospatial, USAA a exploité une nouvelle valeur pour les parties prenantes. Cette valeur s’est traduite en un traitement plus rapide des demandes de règlement des clients, une augmentation de l’efficacité pour les experts en sinistres et une meilleure stabilité pour les communautés.
En soi, c’est un excellent exemple. Mais l’avantage réel est atteint lorsqu’on exécute ce genre d’innovation géospatiale continuellement et que l’on passe d’un projet ponctuel à la capacité fondamentale d’une entreprise. C’est pourquoi une stratégie géospatiale est si importante. Elle crée une capacité durable à exploiter de nouvelles sources de valeur.
Renforcer une stratégie numérique
Alors que la technologie numérique et les modèles économiques transforment les industries, les organisations s’efforcent de garder le cap grâce à leurs propres stratégies numériques. Leurs résultats varient beaucoup.
Selon un sondage mené auprès de dirigeants par McKinsey & Company en avril 2019, 8 organisations sur 10 ont établi une stratégie numérique, mais seulement 14 % d’entre elles ont réellement amélioré leurs performances. Elles sont encore moins nombreuses à avoir pu maintenir ces améliorations.
Les organisations qui font état de leur succès soulignent plusieurs facteurs clés. Parmi ces facteurs, le plus important est de mettre en œuvre des solutions qui rendent l’information plus accessible. C’est là qu’une stratégie géospatiale prend tout son sens.
Un grand pourcentage de données est d’ordre géospatial. Certains chercheurs et géoscientifiques ont indiqué que 60 à 80 % des données sont géoréférencées d’une manière ou d’une autre. Malgré cela, de nombreux efforts de numérisation sont insuffisants en ce qui concerne la dimension géospatiale. Même si les données brutes sont accessibles, les outils et le savoir-faire nécessaires pour révéler les connaissances confinées dans la géodimension ne le sont pas. Pour soutenir une stratégie numérique, les organisations ont besoin d’une stratégie géospatiale qui garantisse que l’avalanche de données géospatiales générées puisse être exploitée.
BP, la multinationale pétrolière britannique, l’a reconnu dans son programme de transformation numérique. L’un des principaux objectifs de la stratégie de BP était d’améliorer l’accès aux données à l’échelle de l’organisation. Pour ce faire, l’entreprise a adopté un mandat officiel « ouvert par défaut », qui mettait environ 95 % des données géospatiales à la disposition des utilisateurs.
Cependant, BP a également reconnu que les données géospatiales en elles-mêmes ne sont pas ce qu’il y a de plus utile. Elle a donc veillé à ce que ses utilisateurs aient accès à des outils appropriés pour les exploiter et les a encouragés à devenir des « développeurs citoyens ». Résultat : l’organisation a vu une augmentation importante du nombre de cartes, d’applications géospatiales et de tableaux de bord créés.
Il est vrai que la transformation numérique représente un défi. Posséder une stratégie géospatiale complémentaire pour disposer de la bonne combinaison de capacités et d’outils spécialisés peut contribuer à accélérer une transformation numérique.
Enrichir l’expérience client
La transformation de l’expérience client est l’une des principales priorités des directeurs généraux modernes. En fait, l’article « Customer Experience Is the New Brand » (l’expérience client, la nouvelle marque), paru le 15 juillet 2018 dans le magazine Forbes, indique que pas moins de 89 % des organisations affirment que la concurrence dans leur secteur repose principalement sur l’expérience client. Ce qui distingue les entreprises n’est plus seulement ce qu’elles offrent, mais aussi la façon dont les clients interagissent avec leurs produits et services.
L’amélioration de l’expérience rehausse le parcours du client. Pour comprendre ce parcours, il faut relever toutes les façons dont un client interagit avec une entreprise et déterminer les interactions qui favorisent sa satisfaction. Les organisations examinent ces interactions, puis adaptent leurs produits et services afin d’améliorer l’expérience client.
Pour innover, il faut découvrir de nouvelles façons de communiquer avec les clients à des points cruciaux de leur parcours. C’est à ce moment que la technologie géospatiale et le concept d’hyperlocalisation (qui personnalise l’expérience client selon l’emplacement) entrent en jeu.
Dans le domaine des services publics, l’expérience d’un client lors d’une panne de courant a une incidence importante sur sa satisfaction générale. La création d’une expérience personnalisée – de l’heure de la panne au rétablissement du courant – constitue une priorité stratégique pour tous les fournisseurs. En fait, lors d’un phénomène météorologique violent, cette expérience commence bien souvent avant même le début de la panne.
De nombreux fournisseurs de services publics utilisent la technologie géospatiale pour transmettre des messages localisés avant, pendant et après une panne. Avant une panne, des systèmes de notification et des cartes de pannes publiques avisent les clients que leur entreprise ou leur domicile pourrait être touché par des phénomènes météorologiques violents. Ces alertes ne sont pas diffusées à l’aveuglette, mais bien aux personnes susceptibles de subir les effets d’une tempête.
Pendant une panne, les clients peuvent voir l’état de leur propriété et des zones environnantes sur leurs appareils mobiles ainsi qu’obtenir une estimation du temps que prendra le rétablissement du courant. On peut aussi leur fournir des conseils sur la manière de gérer la situation. Une fois le courant rétabli, les clients sont avertis et disposent de canaux pour donner leur avis.
Une stratégie géospatiale qui permet une localisation précise enrichit et approfondit l’expérience client. Elle propulsera le parcours du client vers d’autres sommets.
Établir une base de données partagée
Les données géospatiales sont omniprésentes. Bien souvent, nous les utilisons sans même nous en rendre compte. De la logistique aux analyses des clients, en passant par la gestion des soins de santé et de la sécurité, les données géospatiales représentent une part essentielle de la base de connaissances de la plupart des organisations.
Il y a toutefois un problème : de nombreuses entreprises n’ont pas adapté leur façon de recueillir, de gérer ou de partager les données géospatiales. En règle générale, elles sont encore acquises et tenues à jour dans le cadre de projets ou par un service précis. Les données sont souvent achetées en double, et il n’est pas rare que les jeux de données soient déconnectés et mal intégrés. Tout ça parce que les données géospatiales ne sont pas considérées comme un atout stratégique.
Sans une base de données géospatiales commune, les entreprises ont de la difficulté à prospérer dans un environnement commercial exigeant de plus en plus une collaboration à l’échelle organisationnelle. La stratégie géospatiale nationale de la Norvège, décrite comme « Tout ce qui arrive arrive quelque part. », aborde cette question. Dans le cadre de sa transformation numérique, le pays met en place une base de connaissances nationale qui rassemble les données géospatiales provenant de nombreux secteurs gouvernementaux et partenaires industriels. Pour la Norvège, une infrastructure commune de données géospatiales est essentielle pour relever les défis sociétaux, comme les changements climatiques, le commerce international, la planification des urgences et l’urbanisation.
Les données sont les reines du monde numérique, et une base de données géospatiales partagée est la pierre angulaire de cette nouvelle réalité.
Tirer profit de la géographie, négligée par la stratégie informatique
Même si de nombreuses organisations n’ont pas de stratégie géospatiale, elles ont probablement mis en place une stratégie informatique. Alors, pourquoi mettre en œuvre une autre stratégie? La stratégie informatique ne suffit-elle pas?
D’après mon expérience, la réponse est non, et ce n’est pas parce qu’elle n’est pas adéquate, mais plutôt parce que, en règle générale, elle ne vise pas directement la fonction géospatiale et en fait donc abstraction. Il n’est pas rare de voir la technologie géospatiale reléguée à un seul poste dans un budget annuel. La stratégie informatique favorise une vision verticale axée sur la technologie, plutôt qu’une vision horizontale centrée sur les capacités.
Pour tirer profit de la géographie au sein d’une organisation, il faut la traiter comme une capacité organisationnelle, et la création d’une capacité nécessite une stratégie. C’est pourquoi une stratégie géospatiale est nécessaire au sens large. Vous devez définir la façon dont votre organisation exploite la veille géographique. La géographie ne doit pas être une simple note de bas de page dans une stratégie informatique, mais bien l’une des priorités de votre entreprise.
« Pour tirer profit de la géographie au sein d’une organisation, il faut la traiter comme une capacité organisationnelle, et la création d’une capacité nécessite une stratégie. »
Aussi publié dans le magazine ArcUser – Télécharger l’article
Ce billet a été écrit en anglais par Matt Lewin et peut être consulté ici.