Au-delà du RCI : créer un avantage concurrentiel avec les SIG
Créer de la valeur est une très bonne chose, mais il est mieux encore d’obtenir un avantage concurrentiel. Outre le RCI, considérez vos remparts concurrentiels.
Il est généralement admis qu’un bon investissement procure un rendement positif au fil du temps. Cela signifie que pour justifier un investissement, nous devons démontrer la valeur de notre proposition et expliquer comment elle profite à l’entreprise. Pour les gestionnaires responsables d’une technologie d’entreprise, comme un SIG, cela peut s’avérer difficile et complexe.
En essayant de répondre à la question : « pourquoi est-ce que je dépense de l’argent pour ça? », les gestionnaires de SIG recourent souvent à l’efficace notion du rendement du capital investi (RCI). Et pourquoi pas? Cette mesure de la valeur est bien comprise, même si elle est parfois difficile à quantifier. En principe, le calcul est simple : additionnons les avantages pour l’entreprise, divisons-les par les coûts, et le tour est joué, nous obtenons un chiffre clair et éloquent à présenter aux décideurs. Si nous voulons vraiment faire preuve de subtilité, nous prenons en compte le délai de rentabilisation pour étayer notre démonstration. Si votre proposition a un RCI supérieur à celui des autres options, il est probable qu’elle sera acceptée.
Le problème du RCI, toutefois, est qu’il ne tient pas vraiment compte du contexte concurrentiel. Bien sûr, il nous donne une idée des avantages, financiers ou non, que nous obtenons relativement aux coûts engagés; mais il ne nous indique pas si la valeur ainsi créée dépasse celle qui découle des efforts de nos concurrents. Sur le plan stratégique, nous ne savons pas si nos investissements contribuent à créer un avantage concurrentiel durable pour notre organisation. On parle ici des « remparts concurrentiels » (economic moats) de cette dernière.
Le rempart concurrentiel
Un rempart concurrentiel désigne un avantage concurrentiel structurel et durable qui résiste à l’épreuve du temps, quelles que soient les tendances et les opérations de gestion à court terme. Des remparts concurrentiels hauts et larges protègent les parts de marché en créant une barrière pour les concurrents. C’est ce dont parle Warren Buffet quand il affirme : « En affaires, je cherche des châteaux économiques protégés par des remparts infranchissables. ».
Les remparts concurrentiels sont extrêmement puissants, et d’une certaine manière, ils permettent à une entreprise de prospérer naturellement. En règle générale, les remparts concurrentiels font partie de l’une des cinq catégories suivantes :
Intangibles – il s’agit de la propriété intellectuelle qui empêche les concurrents de copier des services. Par exemple, la marque, les brevets, les ententes, la culture de l’entreprise, la légitimité sociale, et les connaissances et compétences exclusives.
Avantage par les coûts – il s’agît des avantages par les coûts structurels qui permettent de réaliser des économies d’échelle importantes par rapport aux concurrents. On pense par exemple à une meilleure chaîne de distribution, à des processus exclusifs, à l’automatisation, à l’approvisionnement stratégique et à l’optimisation de la gestion de l’effectif.
Effets de réseau – il s’agit de l’augmentation de la valeur d’un service due à l’accroissement du nombre d’utilisateurs. Par exemple, les réseaux de téléphonie mobile (3G, LTE), les services d’analyse comparative, les plateformes de développement communautaire et les données partagées.
Coûts de transfert – il s’agît des dépenses ou des inconvénients subis par un client lorsqu’il change de prestataire de services. Mentionnons par exemple les programmes de points, les programmes de fidélisation, les programmes d’association avec des partenaires, l’accès à des outils et des données exclusifs et les investissements en capital.
Échelle optimale – monopoles existant aux fins d’une meilleure efficacité ou services fournis à un marché naturellement limité. Citons par exemple les aéroports, les services publics et les réseaux d’instrumentation.
Étonnamment, on ne parle que rarement des remparts lorsqu’on tente de définir la valeur, et ce, malgré la puissance de ces derniers. En fait, bien que de nombreux investissements aient un RCI positif, très peu d’entre eux contribuent réellement à créer ou à conserver un avantage concurrentiel. C’est parce qu’ils ne participent pas de manière importante au renforcement du rempart concurrentiel de l’organisation. Il se peut qu’ils permettent de réduire les coûts, d’améliorer la productivité des employés ou de réduire les délais de livraison, mais ils ne placent pas forcément pour autant l’entreprise en avant de la concurrence.
Je ne tiens pas à sous-entendre que le RCI n’est pas important. Une entreprise doit fonctionner et croître, et il est essentiel pour elle d’évaluer la viabilité de ses investissements. Le RCI remplit bien cet objectif. Par contre, lorsqu’on évalue les investissements sur le plan stratégique, il convient de s’intéresser à l’environnement concurrentiel. Plus précisément, nous devons déterminer si un investissement améliore la position concurrentielle de notre organisation. Pour les gestionnaires, cela signifie de comprendre en quoi les solutions qu’ils proposent renforcent le rempart concurrentiel de l’organisation. Prenons un exemple.
Créer un avantage concurrentiel
Imaginez que vous êtes le directeur responsable du SIG d’une chaîne nationale de restauration rapide. La haute direction reconnaît que les analyses jouent un rôle clé pour comprendre le comportement des clients et offrir un meilleur service. Plus précisément, les dirigeants pensent que des données de localisation des clients potentiels en temps réel combinées à des renseignements démographiques de grande qualité permettront au service du marketing de repérer les points chauds actifs où des clients sont concentrés et de prédire les préférences alimentaires de ces derniers à la volée. Cela permettrait aux restaurants du secteur de proposer immédiatement des promotions ciblées. Un projet pilote récent mené pendant une fin de semaine de festival a montré que l’efficacité des promotions était multipliée par rapport à celles qui étaient diffusées sans ciblage sur des canaux publicitaires grand public.
La haute direction est enthousiaste et décide qu’il est temps d’adopter ces outils. Vous êtes chargé de réaliser l’analyse de rentabilité. Vous commencez par évaluer le RCI afin de confirmer la viabilité de l’investissement. Après quelques calculs, vous établissez que le rendement total serait de 22 % en raison d’une augmentation des recettes et d’une réduction des coûts de marketing. De plus, le marketing personnalisé devrait augmenter la satisfaction de la clientèle de 15 %. Un véritable coup d’éclat!
Vous présentez votre analyse à l’équipe de direction dont les membres semblent impressionnés. Pourquoi ne ferions-nous pas ça? Les chiffres sont excellents et nous pourrions passer à la phase de production d’ici l’été – juste à temps pour la saison des concerts. Mais comme vous êtes un avant-gardiste, vous demandez aux dirigeants d’évaluer cette occasion sous l’angle stratégique. Vous leur révélez alors la deuxième partie de votre analyse.
Vous demandez à l’assistance d’envisager les avantages à long terme de la solution. Plus précisément, vous posez les questions suivantes : « Cette solution procurera-t-elle un avantage concurrentiel à l’entreprise? Et si tel est le cas, dans quelle mesure cet avantage sera-t-il durable et défendable? » Vous utilisez le concept des remparts concurrentiels pour articuler votre analyse.
Intangibles – L’amélioration du service à la clientèle profite certainement à la marque, mais sans une propriété intellectuelle bien établie (avec des brevets ou des droits d’auteur), qu’est-ce qui empêche les concurrents de faire la même chose? L’entreprise se distingue-t-elle par sa capacité à valoriser sa marque pour demeurer en avant de la concurrence?
Avantage par les coûts – Le principal avantage sur le plan des coûts provient de la réduction des dépenses en marketing découlant de l’élimination des campagnes de masse peu efficaces et coûteuses. Par contre, cet argument ne tient que tant que l’entreprise réussit à contrer la concurrence. La solution peut-elle être utilisée pour d’autres éléments de la chaîne de valeur, par exemple pour permettre aux clients de se connecter directement avec le restaurant le plus proche et de passer une commande à l’aide d’un appareil mobile?
Effets de réseau – Les efforts relatifs à la demande sur les réseaux sont à l’origine d’avantages concurrentiels qui comptent parmi les plus efficaces. Un effet de réseau prononcé crée un cercle vertueux dans lequel plus les clients utilisent une plateforme, plus celle-ci a de valeurs pour chacun. La solution de marketing de l’entreprise ne crée pas intrinsèquement d’effet de réseau. La question est donc de savoir s’il est possible de la configurer afin que ce soit le cas. L’entreprise peut-elle mettre en place un mécanisme permettant aux autres commerces qui se trouvent à proximité de promouvoir leurs propres produits ou services complémentaires?
Coûts de transfert – Bien que cela ne soit pas aussi évident que pour l’effet de réseau, cette catégorie permet assurément à notre chaîne de restaurants de bâtir un rempart concurrentiel... si petit soit-il. Des programmes de fidélisation ou des programmes d’association avec d’autres promotions peuvent contribuer à créer un coût de transfert.
Échelle optimale – Comme c’est le cas pour la plupart des entreprises commerciales, un monopole naturel n’est pas envisageable. Ce point n’est pas à considérer.
En présentant les choses de cette manière, vous donnez à réfléchir à l’équipe de direction. En ne tenant compte que du RCI, l’investissement avait l’air prometteur, mais dans un contexte stratégique, les choses sont moins claires. Le PDG vous remercie pour votre bon travail et vous demande d’analyser plus en détail le véritable potentiel stratégique de la solution. Le concept de rempart concurrentiel lui a plu et il insiste sur le fait que les futures occasions de ce type devront être évaluées de la même manière, dans un contexte stratégique. Il déclare que dans l’environnement numérique actuel, il est primordial de consolider les défenses concurrentielles de l’entreprise et de protéger ses parts de marchés contre les autres joueurs, que ceux-ci soient bien établis ou non. La pensée à court terme est chose du passé.
Les remparts concurrentiels constituent un axe très efficace pour élever les conversations sur les investissements dans les SIG et les technologies numériques. Ils permettent de clarifier la valeur stratégique d’une occasion et de dépasser les préoccupations immédiates relatives aux coûts et aux avantages. Le RCI peut vous inciter à lancer un projet, mais l’obtention d’un avantage concurrentiel durable doit être la raison de le continuer. Tenez-vous prêt!
Ce billet a été écrit en anglais par Matthew Lewin et peut être consulté ici.