La Pétrolière Impériale déploie des drones pour une récupération plus efficace du bitume
Sur le site des sables bitumineux Kearl, en Alberta, le projet pilote de drones de la Pétrolière Impériale montre comment obtenir des clichés quotidiens du front de taille, en 3D, d’une précision centimétrique.
La Pétrolière Impériale est une grande société pétrolière canadienne intégrée, affiliée à ExxonMobil. Elle possède des actifs dans tout le Canada, notamment le site de sables bitumineux Kearl, qui est l’une des plus grandes exploitations minières à ciel ouvert du Canada et qui est situé dans la région des sables bitumineux de l’Athabasca. Sherry Qing, ingénieure en géomatique au sein de l’équipe de soutien à la géomatique de surface et aux SIG de la Pétrolière Impériale, explique comment son équipe a utilisé des drones et le logiciel Esri pour transformer numériquement la manière dont les géologues du site effectuent les interprétations géologiques afin d’optimiser l’efficacité de l’exploitation minière.
L’équipe de l’Impériale a transformé le processus existant, qui demandait beaucoup d’interventions humaines et dans lequel les géologues du site assemblaient manuellement les photos. La marge d’erreur de ce processus pouvait parfois atteindre 100 m. Grâce aux drones, l’entreprise est désormais en mesure de créer des images 2D haute résolution facilement partageables et des modèles 3D du front de taille de la mine avec une précision centimétrique, ce qui permet aux géologues de mieux orienter les travaux d’ingénierie et les opérations pour maximiser la production.
Le défi
Dans la fosse de la mine du site de sables bitumineux Kearl, les sables bitumineux sont excavés à l’aide de grandes pelles et transportés par camions pour être extraits et traités dans les usines de la Pétrolière Impériale. La quantité de bitume qui peut être récupérée dépend du travail des géologues du site, qui évaluent chaque jour la façon dont la teneur en minerai et les filons de déchets enfouis varient dans les zones prioritaires du gisement depuis la surface exposée de la mine (soit le faciès). Plus les interprétations des géologues du site sont précises, plus l’exploitation sera efficace.
Les interprétations et modèles géologiques demandent un effort important de collecte et de traitement des données. Les géologues du site se rendent chaque jour dans la mine avec des caméras portatives. Ils entrent ensuite dans la fosse et prennent des photos du front de taille à une distance d’au moins 50 m, par mesure de sécurité. Une fois les photos prises, les géologues les téléversent sur leurs ordinateurs, puis les assemblent manuellement à l’aide d’un logiciel de retouche d’image pour obtenir une image composite du front de taille. Ils éliminent notamment des photos les véhicules d’exploitation et le ciel visible et tentent de minimiser les distorsions inévitablement introduites par la prise de photos à partir d’un point de vue unique et à angle bas.
Bien que les photos soient prises par des professionnels, il y a toujours un risque que le front de taille ne soit pas bien visible sur les photos, car ces dernières doivent être prises de l’intérieur d’une zone d’exploitation active. L’équipement, les véhicules, l’ombre et la poussière sont toujours présents dans un tel environnement. De plus, les géologues du site ne peuvent prendre des photos que dans un court laps de temps en raison des problèmes de sécurité que cause leur présence dans la mine.
Après avoir modifié les photos, les géologues du site géoréférencent manuellement les composites en se basant sur les données hebdomadaires de l’état définitif et les emplacements approximatifs où ils ont pris les photos. Comme les photos peuvent être obscurcies ou déformées de nombreuses façons, le géoréférencement sera inévitablement inexact. Normalement, les erreurs sont de l’ordre de quelques dizaines de mètres, mais il peut survenir des erreurs de l’ordre de 100 mètres.
Exemple du type d’image composite panoramique développé par les géologues du site de l’Impériale. La production de ces images peut prendre plusieurs heures, si l’on tient compte des déplacements sur le site pour prendre des photos au niveau du sol, de la modification des photos et du géoréférencement manuel des photos.
Ce processus très manuel (prise, modification et géoréférencement des photos) prend de nombreuses heures, certains lots de photos prenant plus de temps que d’autres à traiter, en fonction de la qualité des données capturées et de l’expérience du géologue.
Une fois les photos traitées, les géologues du site utilisent les photos composites pour faire des interprétations géologiques, créer des modèles et prendre les décisions sur les opérations minières. Elles servent également à la planification et aux prévisions à plus long terme. Plus les composites sont précis, plus l’exploitation minière est efficace et moins elle a de répercussions sur l’environnement, étant donné qu’une exploitation minière efficace produit moins de résidus. Bien sûr, il y a un revers à la médaille : les photos inexactes nuisent à l’efficacité.
Ayant constaté la nécessité de transformer la façon dont les géologues du site captent les images du front de taille pour l’interpréter, Sherry a travaillé avec des personnes bien placées dans l’équipe géoscientifique du site Kearl de la Pétrolière Impériale, son groupe de recherche sur l’exploitation du pétrole lourd, des contacts du site et des entrepreneurs indépendants pour mettre à l’essai des drones qui prendront des photos du front de taille. Jamais l’Impériale n’avait procédé ainsi par le passé.
La solution
Sherry s’est d’abord jointe à l’initiative sur les drones à l’automne 2018 et a contribué à la réalisation de multiples essais en 2019. L’objectif était d’établir un flux de travaux efficace et solide qui fait appel aux nouvelles technologies pour réduire la quantité de travail à faire sur les photos prises. L’équipe souhaitait également être en mesure de visualiser le front de taille de la mine en 2D et en 3D.
Pour préparer le projet pilote, une équipe d’entrepreneurs a effectué des vols d’essai avec des drones. Sherry a ensuite traité les données recueillies à l’aide de l’outil d’orthocartographie dans ArcGIS Pro. Elle a immédiatement constaté une nette amélioration de la qualité des données par rapport au flux de travaux précédent. En outre, le fait d’avoir un meilleur accès à des zones où il était difficile de se rendre à pied pour des raisons de sécurité a permis d’améliorer considérablement la sécurité des géologues du site. L’essai a ensuite eu lieu.
Bien sûr, la magie n’opère pas du jour au lendemain. Pour préparer l’équipe et les entrepreneurs à d’autres vols d’essai, il a fallu donner une formation sur la sécurité et expliquer comment était fait le site. C’est ainsi que les six vols d’essai de l’Impériale, effectués de juillet à septembre 2019, ont pu répondre à toutes les exigences de sécurité. Les employés internes ont également été formés à l’utilisation des drones afin que le travail puisse être effectué à l’interne.
Le flux de travaux pilote commence toujours par un vol de drone. L’Impériale prévoit utiliser le drone pour acquérir des données sur le front de taille de la mine et traiter ces données de manière à obtenir des données géoréférencées à haute résolution, en 2D et en 3D. Grâce à sa capacité à photographier le même front de taille depuis plusieurs angles de caméra, le drone peut contourner les engins miniers en activité, contrairement à un géologue de site qui prend des photos au niveau du sol depuis un seul point fixe.
Au départ, Sherry utilisait l’outil d’orthocartographie ArcGIS Pro pour traiter les données des drones. Elle a ensuite utilisé l’outil de tâches d’ArcGIS Pro pour automatiser les éléments répétables de ce flux de travaux. Les procédures simplifiées de traitement et d’affinement des données ont permis d’éviter l’oubli d’étapes ou le manque de cohérence dans leur exécution. Les données traitées peuvent ensuite être partagées dans ArcGIS Online sous forme de scènes web permettant à Sherry de montrer les données à un plus grand nombre d’utilisateurs. Ils ont ensuite pu visualiser et analyser les données sans avoir besoin d’installer ArcGIS Pro sur leurs ordinateurs.
Au début, le flux de travaux révisé de Sherry utilisait une combinaison d’orthocartographie ArcGIS Pro et de tâches ArcGIS Pro. Ici, l’espace de travail d’orthocartographie trace la trajectoire du vol et indique les emplacements des images.
Sherry a créé une étape de sélection pour stocker une variété d’outils, tels que Calculer les points de rattachement et Manage GCPs (gérer les points d’appui). « L’étape de sélection me donne la liberté de choisir les outils à utiliser dans l’ordre que je veux, ce qui me permet d’affiner et de traiter les données jusqu’à mon entière satisfaction », explique-t-elle.
Il s’agissait déjà d’une énorme amélioration par rapport au processus précédent, qui ouvrait la porte à de nombreuses erreurs d’origine humaine. Mais l’équipe de l’Impériale voulait aller plus loin. Avec le flux de travaux de l’orthocartographie, ils créaient des modèles 3D en superposant essentiellement des images 2D aux données altimétriques, ce qui entraînait parfois une perte de clarté des images du front de taille. Mais ce qu’ils voulaient vraiment, c’était de générer directement des produits 3D comme des nuages de points et des maillages 3D de terrains.
C’est ainsi que Sherry a découvert ArcGIS Drone2Map, que le projet pilote met actuellement à l’essai pour traiter et visualiser les données relatives aux fronts de taille de la mine. Drone2Map s’adapte mieux aux flux de travaux 3D et permet à l’équipe de générer directement des produits 3D. Il dispose également d’une interface conviviale, accessible aux novices. Son étroite intégration avec le système ArcGIS permet de plus à Sherry de partager en toute facilité les données et le contenu. L’équipe est en mesure de transférer les données de Drone2Map dans ArcGIS Pro pour effectuer des analyses et des interprétations géologiques, puis de publier ses modèles SIG 3D haute résolution directement sur ArcGIS Online.
« J’étais vraiment enthousiaste à l’idée de participer à ce projet. Nous sommes passés à Drone2Map parce qu’il améliore de beaucoup notre précision et nos résultats. Il est étroitement intégré au reste du système ArcGIS, ce qui est génial étant donné que nous pouvons faire une foule de choses : publier des modèles 3D en tant que scènes web, effectuer des interpolations 3D pour capter toutes les caractéristiques du front de taille de la mine… Dans l’ensemble, je trouve que le système est vraiment commode et pratique. » —Sherry Qing, ingénieure en géomatique, Imperial Oil
Grâce à Drone2Map, l’équipe de l’Impériale est en mesure d’effectuer des panoramiques, des rotations et des zooms sur les détails du maillage 3D qui représente le front de taille de la mine. Le modèle peut ensuite être partagé sur ArcGIS Online, ce qui accélère le travail de collaboration. Alors qu’auparavant, la marge d’erreur pouvait atteindre 100 mètres, le flux de travaux pilote de l’Impériale atteint une précision de l’ordre du centimètre.
Bien qu’il faille encore consacrer du temps au traitement des données, c’est le logiciel qui fait le travail, ce qui permet au personnel de l’Impériale d’effectuer d’autres tâches en attendant. Les quelques heures que les géologues du site devaient auparavant passer à assembler et à traiter les photos servent maintenant à d’autres tâches. En outre, les géologues du site n’ont plus besoin de se rendre dans la mine pour prendre des photos : ils peuvent diriger les drones là où ils le veulent tout en restant à une distance sûre des zones d’exploitation actives. Les drones peuvent même se rendre dans des endroits où les véhicules ne peuvent pas aller, ce qui leur procure un grand potentiel pour explorer des zones qui seraient difficiles d’accès pour des raisons de sécurité. Les scènes web peuvent également être modifiées pour afficher différents moments de la journée, de sorte que les missions des drones peuvent être planifiées en fonction des périodes de lumière optimale afin d’optimiser la qualité des images captées. Ainsi, non seulement l’Impériale gagne-t-elle du temps, mais ses employés bénéficient également d’une sécurité accrue, et les données recueillies sont de bien meilleure qualité.
À l’aide de la fonction de scène web d’ArcGIS Online, les employés de l’Impériale peuvent modifier l’intensité de la lumière du jour à la mine Kearl afin d’optimiser le moment du prochain vol de drone.
Grâce à ce nouveau flux de travaux, les décideurs de l’Impériale pourront planifier les tâches plus rapidement, plus facilement et en utilisant de meilleures données qu’auparavant de manière à donner des résultats plus précis avec un meilleur rendement de l’investissement pour chaque heure de travail des engins miniers. Le jumeau numérique du front de taille de l’Impériale, et donc l’analyse que pourront faire les décideurs de ce qui se passe sur le terrain, sera facilement et rapidement actualisable. Les décideurs seront en mesure de prendre des décisions plus rapidement que jamais et de les fonder sur des données actuelles, ce qui facilitera également la collaboration et le partage entre les groupes de l’Impériale. Auparavant, les composites du front de taille que les géologues du site produisaient avaient parfois une semaine de retard et étaient décalés de dizaines de mètres. Grâce aux drones, ils ont pu atteindre une précision de l’ordre du centimètre.
Les maillages 3D produits par l’équipe de l’Impériale dans Drone2Map peuvent être transférés dans ArcGIS Pro et partagés avec ArcGIS Online à l’aide de Scene Viewer. Ainsi, les personnes d’autres services de l’organisation peuvent interagir avec les visualisations, prendre des mesures ou les analyser sans avoir besoin d’installer ArcGIS Pro.
Essentiellement, Drone2Map est mis à l’essai pour optimiser l’exploitation des sables bitumineux Kearl. Et pourquoi s’arrêter aux interprétations du front de taille? L’essai des drones est déjà élargi dans le but de déterminer si ces derniers peuvent simplifier d’autres aspects des activités à Kearl, notamment la surveillance du site et de la végétation.
« Avec l’intégration du logiciel Esri, notre flux de travaux est passé au numérique. Ce sont des innovations qui font beaucoup augmenter l’efficacité du processus de récupération du bitume », explique Sherry.