Bria Hamilton, étudiante de maîtrise, et la cartographie communautaire aux fins de rapprochement
Des outils logiciels comme ArcGIS Online, ArcGIS Survey123 et ArcGIS Hub peuvent contribuer à favoriser le rapprochement entre les communautés. Bria Hamilton, étudiante du programme d’urbanisme de la maîtrise en études environnementales de l’Université York, a récemment effectué un stage Mitacs avec Esri Canada et le Centre for Social Innovation Institute, où elle a démontré comment les outils SIG peuvent être utilisés pour cartographier les communautés en vue de les rapprocher.
J’ai travaillé en étroite collaboration avec Bria sur son projet, et j’étais curieuse d’en savoir davantage à son sujet et d’apprendre ce qui l’a poussée à étudier la cartographie communautaire. Au fil d’une suite de rencontres et de courriels, elle m’a fait part de ses expériences et de ses intérêts.
Nous aimerions mieux vous connaître. Quels ont été votre parcours et vos sujets de recherche de prédilection?
J’en suis à ma deuxième année de ma maîtrise en études environnementales dans le domaine de l’urbanisme. Mon travail porte principalement sur l’utilisation des géographies féministes noires comme lentille théorique pour l’aménagement urbain. Les géographies féministes noires se dessinent à partir de réflexions, d’outils et de pratiques qui sont tous liés à l’emplacement. Elles unissent la voix des femmes noires qui sont prises dans l’étau de l’oppression à la fois raciale et sexuelle. Elles s’inscrivent dans la lutte pour le principe d’équité sociale dans les espaces de vie. Je suis une femme queer, noire et handicapée; ce travail est donc profondément personnel et important pour moi. Je vis et mets en contexte mon travail sur les terres traditionnelles des peuples Mississaugas de Credit, Chippewa, Anishnabeg, Wendat et Haudenosaunee, dans la région connue aujourd’hui sous le nom de Toronto.
Pourquoi avez-vous choisi d’obtenir votre maîtrise à la Faculté des changements environnementaux et urbains (EUC) de l’Université York?
C’est que j’y ai suivi le programme de premier cycle, et j’ai voulu continuer à York parce qu’il y a tellement de flexibilité dans ce que je peux étudier et en raison de toute la place qui est accordée à la recherche créative, innovante et percutante. À l’EUC, nous pouvons concevoir notre propre programme, et il est possible de présenter les résultats de nos recherches de toutes sortes de façons. Mon projet final s’appelle « Blackening The City: Counter-Cartographies as a Tool for Community Planning » (point de vue noir sur la ville : la contre-cartographie comme outil d’aménagement communautaire). La technologie SIG y servira à la création d’un outil de contre-cartographie qui permettra de visualiser une communauté de Toronto selon la voix des femmes noires et d’autres personnes marginalisées en raison de leur genre.
Aviez-vous déjà utilisé les SIG avant de commencer votre travail de maîtrise? Pourquoi avez-vous décidé d’utiliser cette technologie pour vos recherches?
J’ai appris à utiliser les SIG pour la première fois au cours de la troisième année de mon premier cycle. En général, je préfère la collecte de données qualitatives. J’écoute les récits et je recueille les connaissances des communautés marginalisées. Je suis tombée amoureuse des SIG comme méthode permettant de contextualiser ces données qualitatives par rapport à des données quantitatives, pour en arriver à visualiser les réalités sociospatiales. D’habitude, les cartes ne sont pas créées et remplies par des personnes qui ne sont pas des urbanistes ou des cartographes. Ce qui n’empêche pas qu’elles soient largement utilisées et interprétées par tout le monde dans la vie de tous les jours (comme c’est le cas, par exemple, avec un GPS). Je suis intriguée par l’idée de bouleverser le pouvoir socio-économique, et je vois les contre-cartographies (cartes dessinées, remplies et contrôlées par les membres de la communauté) comme une méthode permettant de travailler à l’équité sociospatiale.
Vous utilisez le terme « contre-cartographie ». Pouvez-vous le définir pour ceux et celles qui ne le connaissent pas?
Les cartes sont souvent considérées comme quelque chose d’ancré dans la réalité, de factuel et d’incontestable. Je ne crois pas que ce soit le cas. Les cartes sont intrinsèquement biaisées. Quelqu’un choisit la façon dont elles sont déformées, ce qui y est représenté, ce qui est laissé de côté. Lorsque ce « quelqu’un » se trouve en dehors de la communauté que la carte est censée représenter, il peut ne pas comprendre l’impact de l’articulation spatiale actuelle de la communauté sur ses membres. Les cartographes traditionnels ne rendent pas nécessairement compte des lieux importants d’une communauté, ainsi que des raisons de cette importance. La contre-cartographie, c’est le processus grâce auquel les membres d’une communauté créent des cartes qui représentent leurs réalités, leur passé et leur avenir. Les contre-cartes véhiculent des récits visuels sur la manière dont les communautés interagissent avec les espaces qu’elles occupent : par exemple, où (s’il y a lieu) éprouvent-elles de la joie, de la sécurité, de la peur, du désir, de la confiance et de la méfiance? Et quand? Et pourquoi? Je pense que de nombreux urbanistes doivent s’efforcer de mieux comprendre les communautés marginalisées et de collaborer avec elles, et je suis convaincue que les contre-cartes peuvent servir de base à cet égard.
Décrivez le projet sur lequel vous avez travaillé dans le cadre de votre stage Mitacs. Quelle a été votre fonction?
Mon stage à Esri Canada au cours de l’été 2021 était un partenariat communautaire avec le Centre for Social Innovation Institute (CSII). J’ai travaillé sur un projet qui faisait partie de l’initiative « Every One Every Day » (EOED, pour tout le monde, tous les jours) du CSII, qui visait à ouvrir les voies du rapprochement communautaire, un impératif qui s’est particulièrement imposé dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Regent Park est une communauté qui fait l’objet de nombreuses recherches. En favorisant la création de liens par les membres des communautés et pour les membres des communautés, ce projet a inversé le sens de l’approche descendante coutumièrement adoptée en recherche et en promotion sociale.
Dans le cadre du projet, les membres de la communauté pouvaient s’inscrire pour recevoir des trousses contenant des outils destinés à des activités comme le jardinage, l’organisation d’un repas-partage, des programmes de lecture pour les enfants et le partage de connaissances entre voisins. Les gens ont également été invités à participer à un sondage portant sur leur expérience au sein de leur communauté. Ce sondage posait aux membres de la communauté un grand nombre de questions axées sur le lieu : Quels endroits leur ont inspiré de la joie? Quels sont les emplacements manquant de ressources? Quels sont les aspects les plus cruciaux de leur environnement de vie?
Mon rôle dans ce projet était d’utiliser les données collectées lors du sondage et des activités de la trousse, ainsi que de collecter des données supplémentaires utiles pour la communauté, afin de créer une ressource en ligne que le CSII hébergerait, que la communauté pourrait utiliser et à laquelle cette dernière pourrait contribuer. J’ai commencé par examiner les données accessibles au public à l’aide du portail de données ouvertes de Toronto. À partir de la couche de points d’adresse de Toronto, j’ai recadré les données sur Regent Park, et j’ai créé une couche répertoriant les types de logements disponibles dans ce quartier. J’ai également trouvé d’autres couches importantes, comme les organisations autochtones, les logements communautaires, les services et organisations pour la jeunesse, les lieux de culte et les écoles, et j’ai recadré ces données sur la communauté de Regent Park. J’ai utilisé la plateforme ArcGIS Hub d’Esri pour créer le portail EOED de Regent Park afin de partager les données.
Qu’avez-vous utilisé pour collecter les données du sondage et pourquoi? Qu’avez-vous fait de ces données?
Les données du sondage ont été recueillies à l’aide d’ArcGIS Survey123 au cours du projet Every One Every Day. Ce sondage était accessible en ligne pour les membres de la communauté, ainsi que dans des espaces de la région munis de tablettes et d’ordinateurs. J’ai créé des cartes pour visualiser les résultats des questions portant sur des lieux précis, et j’ai modifié la taille des points de données pour qu’ils soient plus grands ou plus petits afin de représenter les lieux qui ont été mentionnés plus souvent ou moins souvent, respectivement.
Voici l’une des cartes que l’on peut trouver sur le portail EOED de Regent Park. Elle montre comment les membres de la communauté ont répondu à la question « Quelles ressources de renforcement de la communauté à Regent Park vous ont apporté le plus de joie?
Certaines des questions du sondage n’étaient pas liées à des lieux précis, comme celles portant sur les données démographiques, sur la cohésion communautaire et sur les obstacles socio-économiques à la participation communautaire. J’ai représenté ces données dans le portail en utilisant des images, des chiffres et des graphiques.
Pourquoi avez-vous décidé d’utiliser ArcGIS Hub pour ce projet? Pouvez-vous décrire votre processus de réflexion lors de la conception et de la création du portail?
C’est dans le cadre de ce projet que j’ai appris à connaître ArcGIS Hub et les différentes fonctionnalités qu’offre cette solution. ArcGIS Hub est une plateforme infonuagique qui permet d’accéder à différents types de données, de renseignements et d’outils interactifs et de les partager. Il s’agit d’une plateforme extrêmement configurable, avec des outils permettant de modifier la mise en page du site, d’insérer des images, de changer la couleur de l’arrière-plan et d’ajouter des icônes ainsi que des liens vers des ressources. Le portail que nous avons créé pour le projet EOED partage l’ensemble des données, sondages et résultats, ainsi que les cartes interactives que j’ai créées.
J’ai eu l’idée de diviser le portail en trois pages principales : « Écouter », « Agir » et « Découvrir ». La page Écouter contient les résultats du sondage communautaire et offre aux visiteurs la possibilité d’y contribuer d’autres réponses. La page Agir fournit une carte où les membres de la communauté peuvent partager et trouver des occasions de s’impliquer dans Regent Park. La carte indique l’emplacement et les coordonnées associés à ces possibilités. La page Découvrir présente une carte où les utilisateurs peuvent ajouter des ensembles de données et visualiser les données de la communauté. Elle propose également des données spatiales à télécharger et des guides sur la façon de visualiser ces données.
J’ai suivi les lignes directrices de conception du CSII pour ce qui est de l’image de marque de site web, et j’ai utilisé les couleurs de la marque CSII pour créer les icônes et autres éléments visuels entrant dans la composition du portail.
Page d’accueil du portail EOED de Regent Park. Elle permet d’accéder aux trois pages principales : « Écouter », « Agir » et « Découvrir ».
Le site a fait l’objet de plusieurs boucles de rétroaction et de mises à jour. Les membres du CSII ont discuté de l’alignement du site sur la marque et le mandat de leur organisation, et les spécialistes des SIG d’Esri Canada ont fourni des commentaires sur la convivialité et la conception générale du site. En me fondant sur les commentaires du CSII et d’Esri Canada, j’ai corrigé le langage sur le site, changé les icônes, revu l’ensemble de la mise en page et ajouté des cartes supplémentaires là où c’était nécessaire.
Quels sont les principaux enseignements que vous avez tirés de ce projet?
Mon stage d’apprentissage par l’expérience m’a permis d’assimiler des méthodes nouvelles et innovantes d’utilisation du logiciel ArcGIS pour l’engagement communautaire. La collaboration communautaire est essentielle pour créer des espaces qui représentent les besoins et les souhaits des membres de la communauté. L’initiative EOED a abouti à un programme réciproque, dirigé par la communauté, soutenant le partage de récits édifiants issus de la communauté, le rapprochement pendant la pandémie et la mise en évidence de la stratification spatiale attribuable à l’embourgeoisement. Grâce à mon expérience avec l’EOED, j’ai appris une pléthore de techniques cartographiques qui peuvent être utilisées pour traduire les conditions, les pensées et les désirs des membres de la communauté en un outil d’aménagement urbain communément utilisé. Dans ce projet, la plateforme Hub et Survey123 ont servi à créer un pont entre les connaissances communautaires des résidents du quartier et les politiques et règlements techniques dictés par la Loi sur l’aménagement du territoire de l’Ontario et la législation municipale.
Qu’espérez-vous faire après votre diplôme?
Je suis vraiment intriguée par l’idée de restructurer les outils descendants traditionnels de l’aménagement urbain, comme les cartes, les plans officiels et les règlements de zonage, afin qu’ils soient plus accessibles et plus représentatifs des besoins et des souhaits des membres de la communauté. Comme je l’ai mentionné, ma recherche de maîtrise porte sur l’utilisation de la théorie féministe noire en conjonction avec la cartographie participative pour créer des cartes qui affichent la communauté du point de vue des femmes noires. Après mon diplôme, je veux continuer, en tant qu’urbaniste, à créer des outils et des occasions de participation en matière d’aménagement qui donnent la priorité aux voix des communautés marginalisées. J’espère que mon travail conduira à la création de communautés et de villes qui répondent aux besoins sociospatiaux de leurs citoyens.
Ce billet a été écrit en anglais par Susie Saliola et peut être consulté ici.