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Cartographie de la COVID-19 : Normalisons les données de santé publique dès maintenant

À l’heure actuelle, le Canada se trouve malheureusement à un carrefour douloureux. Au cours des dernières semaines, l’Ontario et le Québec ont connu des taux d’infection quotidiens de COVID-19 qui correspondent ou dépassent ceux du pic de la première vague de la pandémie. En Ontario, la province a connu de très importants retards massifs dans les tests et s’efforce de les rattraper afin de poursuivre la recherche efficace des contacts. Certains tests ont dû être envoyés en Californie en raison de surcharges entraînant des retards dans la province. De son côté, le Québec a franchi le cap des cinq jours avec plus de 1 000 nouveaux cas quotidiens. Pire encore, les taux d’hospitalisation ont commencé à augmenter de façon exponentielle et la moyenne mobile de 7 jours des décès s’est mise à osciller entre 9 et 10 dès la fin du mois de septembre.

Le 6 octobre, le gouvernement fédéral annonçait l’approbation de l’utilisation au Canada du dispositif de test rapide Panbio COVID-19 Ag de la compagnie pharmaceutique Abbott censé donner des résultats précis en 20 minutes. Grâce à cela, les tests "au point de service" pourraient devenir beaucoup plus faciles ; quelque 20 millions d’appareils sont en commande pour être livrés dans quelques semaines et 12 millions de plus pour la nouvelle année.

Pour certains, se concentrer sur le comptage — à savoir les nouveaux cas, les hospitalisations, la capacité des unités de soins intensifs, la capacité de tests et le délai d’exécution, la traçabilité — pourrait sembler inconvenant. Il est certain que le grand public peut s’embourber dans un tourbillon de chiffres dont la signification n’est pas toujours évidente. Pourtant, des chiffres fiables et des données de santé publique facilement partageables et fiables sont la clé de l’efficacité de notre lutte pour transformer cette nouvelle vague en quelque chose de gérable. Plus important encore, il faut être capable de cartographier — ou de visualiser — les endroits où des épidémies se produisent, d’alerter les populations sur la contagion locale et d’aider à diriger les ressources où elles seront le plus efficaces.

La résurgence de ces dernières semaines a montré qu’en dépit des avertissements, les réseaux complexes des bureaucraties de santé publique canadiennes tardent à se s’ajuster, même dans l’urgence d’une crise de santé publique. Bien sûr, j’aimerais croire que nous sommes tous d’accord pour dire que les réponses politiques à la crise doivent être fondées sur des preuves. Malheureusement, dans le domaine de la santé publique, au-delà des clivages institutionnels et juridictionnels, lorsqu’il s’agit de cartographier les déterminants d’une série de résultats, l’incapacité à parvenir à une compréhension commune de ce qu’il faut mesurer exactement et comment le faire, diminue l’efficacité de l’énergie et de la bonne volonté extraordinaires que les autorités locales, régionales, provinciales et fédérales ont déployées face à la crise, sans parler des soins et des sacrifices que d’innombrables Canadiennes et Canadiens ont consentis en essayant de se conformer à des messages parfois déroutants.

À la fin du printemps dernier et au début de l’été, alors que les taux de mortalité dans les établissements de soins de longue durée pour personnes âgées de quatre provinces étaient stupéfiants, les Canadiens ont été stupéfaits de découvrir que, dans certaines juridictions, la communication d’informations essentielles à la prise de décision en matière de santé publique se faisait à la main et par télécopieur. Il y a quelques semaines à peine, au Royaume-Uni, on a découvert que quelque 16 000 cas de COVID-19 n’avaient même pas été signalés au départ en raison d’une erreur technique impliquant quelque chose d’aussi élémentaire que le formatage et l’envoi de fichiers Excel.

Esri Canada est fière de soutenir une série de projets, dans les sphères publiques, privées et universitaires, pour aider les décideurs, les analystes, les universitaires, les journalistes et les citoyens canadiens à mieux comprendre comment la COVID-19 affecte leur environnement particulier. Parmi ces projets, figure notre collaboration avec le laboratoire d’analyse des environnements humains de l’Université Western à London, en Ontario. Le Dr Jason Gilliland, éminent géographe, est le directeur du laboratoire. Il nous rappelle que, tout en en s’efforçant de comprendre le déroulement de quelque chose comme une contagion, il est utile d’être aussi granulaire que possible dans la cartographie des déterminants et des résultats. S’il existe des raisons légitimes de s’inquiéter de la confidentialité des données de santé, inquiétudes exacerbées par les récentes atteintes aux systèmes que nous espérons tous inviolables comme celles de Services Canada au début de l’été ou celles de Desjardins l’année dernière, le Dr Gilliland souligne le fait que les universitaires et les autorités sanitaires canadiennes font preuve d’une grande diligence dans l’anonymisation des données personnelles. Le gouvernement du Québec a finalement décidé de se joindre au système fédéral d’application COVID Alert, après avoir mis fin aux inquiétudes concernant le strict respect de l’anonymat. En Alberta, on a signalé ce week-end que les personnes chargées de la recherche des contacts ont du mal à convaincre certaines personnes dont le test est positif de les aider de manière significative.

Nous devons vraiment reconnaître que les autorités locales, celles qui sont les plus proches du terrain, sont souvent celles qui ont une appréciation plus globale de ce qui se passe autour d’elles.

Même en Allemagne, un pays qui a géré la pandémie plus efficacement que presque tous les autres pays industrialisés, les scientifiques ont rappelé à tous que la seule façon de gérer une résurgence des cas est de passer par là :

  1. Tests, traçage et isolement
  2. Port du masque
  3. Distanciation physique
  4. Restrictions de voyage
  5. Identifier et mettre un terme à toute activité susceptible de générer la super-diffusion
  6. Mise en place de bonnes orientations publiques sur ce qui est risqué et ce qui ne l’est pas

Une contribution importante consisterait à ce que tous les niveaux de gouvernement — y compris toutes les autorités de santé publique — se mettent d’accord sur les paramètres de mesure et sur la manière de les utiliser, de manière à ce que ces paramètres puissent être facilement et publiquement partagés. Nous avons besoin dès à présent d’une vision plus claire des variables associées à l’évolution du virus afin de pouvoir atténuer les comportements contraires à la reprise que les politiciens de tous bords disent essayer d’obtenir.

Cet article a été publié dans La Presse.